Lobbying : "une régulation s’impose"
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Pour la transparence du lobbying 360°
Photo de Pixabay, Pexels
La loi Sapin II, introduite en décembre 2016 pour renforcer la transparence du lobbying, est insuffisante pour combattre les stratégies de capture des décisions politiques que sont aujourd’hui capables de mettre en œuvre les grandes entreprises.
Elle doit être révisée et conduire à une « loi Sapin III » afin de complèter le dispositif actuel de transparence sur les activités de lobbying conventionnel, mais aussi de l’étendre aux activités de lobbying 360°. De plus, le nouveau dispositif devra intégrer de véritables mesures de régulation de l’influence politique, sans lesquelles, souvent, la transparence seule ne résout rien.
La nouvelle mandature d’Emmanuel Macron doit démarrer par une réforme institutionnelle qui redonne confiance aux citoyennes et citoyens dans la démocratie. Nous défendons l’inclusion dans cette réforme d’un axe fort sur la transparence et la régulation du lobbying, qui s’attaquera aux réalités contemporaines des stratégies d'influence politique des grandes entreprises.
Une conception restrictive de l'influence politique, limitée aux activités de lobbying institutionnel
A ce jour, le dispositif de transparence sur les activités de représentants d'intérêt adopte une définition restrictive des « actions » de représentations d'intérêt et de « l'entrée en communication en vue d'influer sur les décisions » conduisant à ne considérer que la communication directe et institutionnelle entre le lobbyiste et décideurs1. La Haute autorité de la transparence pour la vie publique (HATVP) liste ainsi de manière exhaustive les actions de communication (rendez-vous physique, téléphonique, par visioconférence) et elle exclut « les campagnes de sensibilisation de l'opinion » ainsi que le travail de préparation des campagnes d'influence (« la préparation de notes, dossiers, éléments de langage, en amont d'une communication »)2.
En revanche, elle inclut les interpellations publiques de décideurs sur les réseaux sociaux, qui s'éloignent pourtant de la communication directe dans la mesure où aucune réponse du responsable publique n'est nécessaire. Ce dispositif, focalisé sur les outils de communication de manière excessivement restrictive, se trouve en décalage avec la réalité de campagnes d'influence menées en France ces dernières années sur l'opinion publique, qui conduisent à des réactions des décideurs politiques et influencent manifestement les processus politiques.
Pour l'intégration des campagnes de communication d'influence dans les registres de la HATVP
Obtenir la transparence sur les campagnes d'influence des grandes entreprises suppose de ne pas se limiter à l'identification des outils de communication, et de prendre en compte les dispositifs de campagne dans leur entièreté et selon leur finalité politique. Les campagnes d'influence politique engagées par des entreprises sont externalisées et mises en œuvre auprès d'agences spécialisées, qui établissent avec l'entreprise des documents contractuels incluant les objectifs stratégiques et les dispositifs opérationnels (le « brief de campagne »). Ces documents attestent de la démarche d'influence politique.
Au niveau du registre de la HATVP, cela suppose d'intégrer les « campagne de communication d'influence » dans les options d'actions à déclarer, suite à quoi peuvent être déclinés les outils utilisés (relation presse, publicité, community management, commande d'étude, etc.) et les budgets correspondants.
Sous la terminologie de « grassroots lobbying » ou encore plus largement de « indirect lobbying », dans le Lobby Disclosure Act ou en application du Internal Revenue Code, la majorité des États américains imposent une telle transparence sur les activités de communication d'influence. Outre-Atlantique, les agences spécialisées ont intégré ces obligations de reporting dans leurs activités ordinaires.
1. Article 3 puis 1 du décret n° 2017-867 du 9 mai 2017 relatif au répertoire numérique des représentants d'intérêts.
2. Voir Les Lignes directrices de la HATVP d'octobre 2018, pg12 et 13.
Décembre 2016:
Promulgation de la Loi Sapin II
Mai 2017
Décret n° 2017-867 du 9 mai 2017 relatif au répertoire numérique des représentants d'intérêts
Mai 2019
Colloque « 48h chrono sur le lobbying » organisé par le député Sylvain Waserman
Décembre 2020
Lancement par la Commission des lois de l’ Assemblée nationale de la mission d’évaluation de la loi Sapin II
Mai 2021
Audition du DG de Communication et démocratie et Juliette Renaud des Amis de la Terre France, par la mission d’évaluation
Juillet 2021
Publication du rapport de la mission d’évaluation, qui évoque les stratégies d’influence sur le débat public et est assorti d’une série de recommandations
L'objectif de transparence qui est au cœur de la loi Sapin 2 est important. L'évaluation de la mise en œuvre de cette loi montre qu'il n'est clairement pas atteint, et par ailleurs, que les seules mesures de transparence ne suffisent pas.
Les informations actuellement publiées ont un intérêt extrêmement limité car elles manquent de précision, tant sur l'objet de l'activité d'influence que sur la nature de cette activité et sur les décideurs visés. De nombreuses activités ne font l'objet d'aucune déclaration.
De plus, la transparence n'est qu'un préalable nécessaire à l'encadrement du lobbying et à la garantie d'un débat démocratique. Elle est loin d'être suffisante. D'autres mesures sont indispensables.
Il existe aujourd'hui une forte asymétrie dans l'accès aux décideurs. Une enquête de Politico en 2021 montre que les lobbyistes du secteur privé sont plus de 10 fois plus entendus que les représentants de la société civile. Depuis le début du premier quinquennat d' Emmanuel Macron, ils représentaient alors 86% des personnes auditionnées contre seulement 7% seulement pour les associations de défense des causes.
Il est désormais nécessaire de créer un véritable « pare feu » entre les lobbyistes et les décideurs dans certains domaines clés touchant à l'intérêt général, tel que cela a été mis en place dans la convention cadre de l'Organisation mondiale de la santé pour la lutte anti-tabac. Dans ce sens, nous soutenons au niveau européen la campagne « FossilFree Politics » pour exiger de mettre fin à l'influence des lobbies des énergies fossiles. Cela comprend par exemple des demandes comme la fin du sponsoring d'événements publics par des entreprises du secteur ou l'interdiction pour les décideurs d'intervenir dans des conférences organisées par l'industrie fossile.
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