Plaidoyer européen pour renforcer la lutte contre le greenwashing des produits

Lutte européenne contre le greenwashing des produits

Photo de Marcel Strauss, Unsplash

Dans le cadre du Plan d’action pour l’économie circulaire engagé en 2020, l'Union européenne devrait aboutir à mieux sanctionner les allégations trompeuses des entreprises et mieux lutter contre leurs discours conduisant à l’obsolescence marketing.
Nous défendons notamment une réforme de la directive européenne de 2005 sur les pratiques commerciales trompeuses, qui est à l’origine du droit en en vigueur dans les différents États membres, dont la France.
Le renforcement du dispositif contre les tromperies sur les produits est un enjeu majeur. Nous affirmons néanmoins qu'elle ne doit pas occulter l’impératif de lutte contre le blanchiment d’image corporate des entreprises, lorsque ces dernières trompent le public sur les réalités des conséquences sociales et environnementales de leur modèle économique.

En mars 2022, la Commission européenne avance dans le bon sens. A suivre au Parlement...

Nous considérons que les propositions de la Commission européenne, rendues publiques en mars 2022, de réformer la directive sur les pratiques commerciales déloyales vont dans le bon sens, dans la mesure où elles élargissent aux allégations sur les caractéristiques « sociales et environnementales » celles sur lesquels s'opère le contrôle du juge, et qu'elles étendent significativement les situations concrètes dans lesquels s'appliqueraient les pratiques trompeuses.

En revanche, sur la question de la lutte contre l'obsolescence, la Commission en reste à une définition restrictive d'«  obsolescence programmée ». Elle écarte la question majeure de l « obsolescence marketing », donc celle du contrôle des discours incitant au renouvellement prématuré des produits qui fonctionnent encore.

Nous poursuivrons notre plaidoyer sur ces sujets alors que les propositions de la Commission vont être discutées au Parlement européen et au Conseil de l'Union européenne.

Contexte : du Green Deal aux pratiques commerciales trompeuses

Dans le cadre du Pacte Vert (Green Deal), mis en avant par l'Union européenne comme le cadre général dans lequel les différentes réformes engagées doivent participer à l'effort pour arriver à la neutralité climatique en 2050, un Nouveau Plan pour l'économie circulaire (Circular economy action plan) a été publié par la Commission en mars 2020. Ce plan se donne l'ambition de modifier nos modes de production et de consommation, et il inclue notamment la lutte contre l'écoblanchiment (greenwashing) et l'obsolescence programmée.

En novembre 2020, la Parlement européen a adopté un rapport d'initiative intitulé « Vers un marché unique durable pour les entreprises et les consommateurs », qui incluait des éléments ambitieux concernant la régulation des messages publicitaires incitant à la consommation, sur la lutte contre le greenwashing et contre diverses formes d'obsolescence.

En février 2021, le Parlement a adopté une résolution sur le nouveau plan pour l'économie circulaire proposé par la Commission en 2020. Cette résolution n'intégrait plus d'éléments sur la régulation des contenus publicitaires, mais conservait des éléments sur la lutte contre le greenwashing et les formes les plus techniques et matérielles des stratégies industrielles d'obsolescence.

Dans ce cadre, la Commission européenne a publié en mars 2022 sa proposition de réforme de la directive 2005/29/CE dédiée aux pratiques commerciales déloyales, et notamment aux pratiques commerciales trompeuses.

Chronologie de la réforme européenne en cours pour la lutte contre le greenwashing

  1. 2019

    Lancement du Green Deal européen pour arriver à la neutralité climatique en 2050
  2. 2020 

    Mars : Publication par la Commission du Nouveau Plan pour l’économie circulaireNovembre : Rapport du Parlement abordant la lutte contre le greenwashing et l’obsolescence
  3. 2021

    Février : Résolution du Parlement sur le nouveau plan pour l’économie circulaire
  4. 2022

    Mars : Publication par la Commission de la proposition de modification de la directive sur les pratiques commerciales trompeuses
  5. A venir

    Débat et vote au parlement européen et au Conseil de l’UE sur la proposition de la CommissionAdoption d’une nouvelle directive et transposition dans le droit des États membres

L’insertion du « social et environnemental » et une liste de nouvelles « pratiques trompeuses »

En premier lieu, cette proposition de la Commission élargit aux allégations sur les caractéristiques « sociales et environnementales » des produits celles sur lesquelles s'opère le contrôle du juge. Il s'agit là d'une avancée symbolique importante dans la mesure où, jusqu'à présent, l'enracinement historique la notion de pratiques commerciales trompeuses dans le code de la consommation a réduit cet enjeu aux considérations strictement économiques, c'est à dire portant sur la fixation du prix, l'information sur le SAV, etc. En incluant les aspects « sociaux » et « environnementaux » dans les caractéristiques sur lesquelles les entreprises peuvent être condamnées pour tromperie, la commission acte la réalité des sujets sur lesquels portent désormais les discours et les stratégies d'influence des marques.

Ensuite, cette proposition étend significativement les situations concrètes dans lesquels s'appliqueraient les « pratiques trompeuses », qui incluraient notamment (selon le communiqué de la commission) :

  • ne pas informer des fonctionnalités introduites pour limiter la durabilité d'un bien, par exemple un logiciel conçu pour bloquer ou dégrader le fonctionnement d'un bien après un certain laps de temps ;

  • faire des allégations environnementales génériques et vagues lorsque la performance environnementale excellente d'un produit ou d'un professionnel ne peut être démontrée. Des exemples de telles allégations environnementales génériques sont « respectueux de l'environnement », « écologique » ou « vert », qui suggèrent ou créent à tort l'impression d'une performance environnementale excellente ;

  • présenter une allégation environnementale concernant le produit dans son ensemble, alors qu'elle ne concerne en réalité qu'une de ses caractéristiques ;

  • afficher un label de durabilité volontaire qui n'est pas fondé sur un système de certification ou qui n'a pas été mis en place par des autorités publiques ;

  • ne pas informer le consommateur qu'un bien est conçu pour fonctionner de manière limitée si l'on utilise des consommables, des pièces de rechange ou des accessoires qui ne sont pas fournis par le producteur d'origine.

Une analyse technique détaillée permet d'identifier là où « le diable est dans les détails », et cela doit être l'objet de nos activités de plaidoyer pour la suite du processus. Néanmoins, on peut déjà considérer que, dans l'ensemble, ces situations identifiées comme « pratiques trompeuses » par la Commission vont dans le bon sens. De fait, la plupart d'entre elles ne résultent pas d'innovations conceptuelles et juridiques significatives ; au contraire, elles sont directement inspirées des règles déontologiques qui ont été élaborées par le secteur professionnel.1

Or, les règles déontologiques pour la régulation des contenus publicitaires, quelque soit leur objet (genre, discrimination, environnement etc.) sont généralement relativement intéressantes sur le plan conceptuel et juridique. Les difficultés rencontrées proviennent en effet plutôt du manque de volonté de les mettre en œuvre de manière proactive par des organes largement contrôlés par les annonceurs et les agences.

Notamment la Chambre de commerce international et leurs représentations nationales dans les différents pays : il s'agit du Conseil de l'étique publicitaire en France, organe de l'agence d'autorégulation appelée ARPP.

Les règles déontologiques pour la régulation des contenus publicitaires peuvent être intéressantes sur le plan conceptuel et juridique. Les difficultés rencontrées proviennent en effet plutôt du manque de volonté de les mettre en œuvre de manière proactive par des organes largement contrôlés par les agences et les annonceurs.

Or, les règles déontologiques pour la régulation des contenus publicitaires, quelque soit leur objet (genre, discrimination, environnement etc.) sont généralement relativement intéressantes sur le plan conceptuel et juridique. Les difficultés rencontrées proviennent en effet plutôt du manque de volonté de les mettre en œuvre de manière proactive par des organes largement contrôlés par les agences et  les annonceurs..

Aussi, le simple fait de voir proposée l'insertion de ces différentes règles de « soft law » dans du « droit dur », qui est destiné à être mis en œuvre par une justice indépendante et assorti de sanction, est une victoire politique en soi.

De plus, à l'issue du processus législatif européen, et de la traduction de la directive dans les droits nationaux, un nouvel enjeu émergera : il s'agira de participer activement au développement, par la justice indépendante (mais pas sourde), d'une jurisprudence favorable à l'avancée de la lutte contre le greenwashing des produits.

Ces analyses s'appliquent spécifiquement à la lutte contre le blanchiment de l'image des produits. Sur le sujet de la communication corporate, nous considérons que l'outil des pratiques commerciales trompeuses étant resté sans effet jusqu'à présent, si la jurisprudence sur ce point n'évolue pas avec les plaintes actuellement en cours en France, une innovation légale devra être mise en place.

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